Après avoir présenté le rugby fauteuil dans un précédent article, nous avons décidé de partir à la rencontre de joueuses. A travers leurs portraits, nous découvrons les valeurs communes à tous les rugbys telles que la solidarité, la convivialité, l’esprit d’équipe et le dépassement de soi.
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Aujourd’hui, nous vous présentons Véronique Senac, une athlète de haut niveau qui pratique de nombreux sports individuels : ski, para-dressage, tennis et natation, sans compter les sorties en canoë ou en handbike. Au total, ce n’est pas moins de 25h de sport par semaine pour cette athlète accomplie, vice championne de France de ski slalom en 2019. Elle a débuté le quad rugby au sein de l’équipe FCG en octobre dernier et elle nous parle de son expérience.
“On arrive, par le sport, à faire de notre handicap une force et on s’épanouit”

Véronique Senac, qu’est-ce qui t’as menée au rugby ?
Je suis arrivée dans l’équipe de quad rugby en octobre 2019. En fait, je ne connaissais pas du tout ce sport.
Mais je suis pompier et le coach de l’équipe de quad rugby, qui est un collègue de travail, m’a proposé un jour de venir essayer le rugby. Franchement, au début, je ne voulais pas y aller parce que le quad, ça me semblait brutal, violent, totalement à l’opposé de ce que je suis. Mais finalement, je me suis lancée, j’ai essayé et ça m’a tellement plu que j’y suis revenue.
Dans quel club joues-tu ? Et à quel poste ?
Je suis au club de quad rugby FCG. Je joue en petits points à 1,5. En principe, je devrais être en défense compte-tenu de mon handicap, mais je suis offensive. En fait, dans mon club, on a déjà beaucoup de joueurs en défense qui sont plus polyvalents sur le terrain. Et puis j’ai les qualités pour être offensive, je me faufile bien dans la défense adverse.
“C’est ce partage qui m’a attirée encore plus que le rugby en lui-même”

Qu’est ce qui te plaît dans le rugby fauteuil ?
Je pratique plutôt des sports individuels. L’année dernière, c’est la première fois que je faisais un sport collectif et l’ambiance que j’y ai trouvé, l’entraide entre les joueurs, la solidarité, les échanges c’est ce qui m’a vraiment attirée. Au quad rugby, il y a l’esprit de se retrouver entre potes qui sont dans la même situation que vous, tout handicap confondu. C’est ce partage là qui m’a attiré encore plus que le rugby en lui-même. C’est avant tout la cohésion, on doit s’adapter à tous les handicaps qu’on a autour de nous et c’est très enrichissant.
J’aime aussi le côté très physique qui fait qu’à la fin d’un entraînement, on est vraiment rincé. Pour jouer au quad, il faut de la force et de la souplesse dans les bras mais aussi un bon cardio parce qu’on ne s’arrête jamais.
“On se donne tous à fond pour gagner”
Et puis au-delà du physique, le quad est aussi un sport de réflexion où il faut développer son esprit tactique, son sens de l’anticipation. Pour jouer, il ne faut pas se contenter d’être dans le présent, il faut toujours penser au coup d’après. Si on a le ballon mais qu’on ne sait pas quoi en faire, on ne va pas être efficace.
Au début, quand j’ai commencé, j’étais du genre à crier ou à fermer les yeux sur chaque contact (rires). Mais en fait, on se prend au jeu. Et puis, on comprend vite que c’est pas nous qui prenons les coups mais le fauteuil. On risque rien à part le tonneau. Le jeu est vraiment très prenant. On joue avec ses coéquipiers et on se donne tous à fond pour gagner.

Comment et combien de fois t’entraînes-tu ?
On a 2 entraînements par semaine le mercredi et le vendredi de 20h à 22h. Mais depuis la crise sanitaire, on n’a toujours pas le droit aux contacts donc en ce moment, on fait essentiellement de la préparation physique.
Sinon, en temps normal, on fait l’échauffement et prépa physique pendant une heure et l’heure suivante, on travaille des situations de jeu ou des combinaisons.
Quels sont vos meilleurs résultats cette saison ?
Cette année, à cause du Covid, on n’a fait qu’un seul tournoi avec deux matchs contre le Montpellier et Toulon. On a perdu à chaque fois.
Notre équipe manque d’expérience parce qu’on a beaucoup de jeunes joueurs. On n’avait encore jamais joué de match ensemble en compétition. Ce qu’il faut savoir, c’est que dans l’équipe, il y a des joueurs avec différents handicaps y compris des IMC (infirmité motrice cérébrale). Et en plus du handicap, il y a aussi toute la dimension mentale qui n’est pas évidente à gérer pour tout le monde.
Mais même si on n’a pas gagné, on est content parce qu’on a quand même montré une belle cohésion sur le terrain et c’est ce qui nous a permis de marquer. D’ailleurs, c’est un joueur de notre équipe, Romain Garcia, un défenseur, qui a été élu meilleur joueur petits points du tournoi.

Quels sont vos objectifs sportifs pour la saison prochaine ?
Cette année, on évolue en national 3 mais le club a pour objectif de monter en national 2. Pour cela, il faut terminer dans les deux premiers du classement et donc gagner un maximum de matchs lors des 3 ou 4 tournois qu’on fera dans l’année si la situation sanitaire le permet.
Avais-tu déjà pratiqué d’autre sports ? Et aujourd’hui, quels sports pratiques-tu ?
Avant mon accident, je faisais énormément d’athlétisme. Je pratiquais aussi l’équitation tous les jours.
Lorsque j’ai eu mon accident, j’ai mis du temps à accepter mon handicap et je n’avais pas envie de refaire un sport que j’avais pratiqué avant parce que je ne voulais pas pouvoir me comparer, faire le avant/après. Puis, grâce à une rencontre exceptionnelle avec une personne tétraplégique, qui est devenue une véritable amie (Sarah Bocquet), j’ai réussi à accepter mon handicap.

“Depuis mon accident, le sport est (…) mon oxygène”
Aujourd’hui, je fais de la natation (2km tous les matins l’été) et du tennis fauteuil en loisir. Je fais de l’équitation dans le para-dressage en défis. Je fais aussi du ski alpin en compétition. Depuis trois ans, j’ai participé aux championnats de France. J’ai été médaillée de bronze en Géant et en Super G et l’année dernière, j’ai été vice-championne de France en slalom.
Depuis mon accident, le sport est devenu un vrai échappatoire, mon oxygène.
Un mot pour conclure ?
Le quad rugby est un sport très enrichissant qui mérite d’être connu et de se développer.
“Le bonheur d’être ensemble et de se donner à fond”
Ce n’est pas forcément l’étiquette « rugby » en elle-même qui va faire venir les gens mais peut-être plus son côté collectif, humain. Une personne en situation de handicap qui va venir assister à un match et qui va voir sur tous les visages des joueurs de grands sourires, du bonheur d’être ensemble et de se donner à fond, c’est ça qui va lui donner envie de venir jouer. C’est de voir qu’on arrive, par le sport, à faire de notre handicap une force et qu’on s’épanouit.
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