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Cette fois-ci c’est officiel, la Coupe du monde de Rugby se jouera en 2022 en Nouvelle-Zélande. La pandémie de Covid-19 faisait peser trop d’incertitudes sur l’organisation du tournoi, la préparation des équipes et leur venue en Nouvelle-Zélande, sans parler de l’accueil du public. Cette décision a autant surpris les joueuses du XV de France que leurs supporters. Pauline Bourdon, Lise Arricastre et Caroline Thomas nous font part de leurs réactions. Une fois le report acté, elles se sont rapidement tournées vers leur prochain objectif sportif : le Tournoi des Six nations et le championnat.

Photo : Icon Sport

Comment les joueuses du XV ont-elles appris la nouvelle du report ?

Pauline Bourdon : “On a eu un mail d’Annick (Hairault) pour nous convier à une réunion à propos de la Coupe du monde. Et lors de la réunion, on nous a confirmé le report“.

Caroline Thomas : “World rugby avait fait une annonce à 20h sur le report de la Coupe du monde. Le staff nous a directement réuni en visio. Ca a été top en fait, on n’a pas attendu donc on n’a pas eu le temps de se poser des questions, de gamberger“.

Lise Arricastre : “J’essayais de rester optimiste, mais ca faisait déjà un petit moment que des gens nous disaient “mmh c’est bizarre, ca va être retardé”. Bon avec le protocole strict qui avait été proposé, on se disait que… mais au final, on a entendu qu’il y avait à nouveau des cas en Nouvelle-Zélande. On se doutait qu’ils allaient proposer un changement”.

Comment avez-vous réagi suite à cette annonce ?

Caroline Thomas : “Au moment de l’annonce, le staff était toujours en train de travailler sur nos matchs de la Coupe du monde. Donc tout le monde est un peu tombé des nues, ca a été un peu un choc, un coup derrière la tête.

Pauline Bourdon : “Forcément, il y a de la déception. On préparait ca depuis 4 ans. Et que ca tombe comme ca, à 6 mois de l’échéance, forcément, on était toutes déçues. Mais on sait qu’on a quand même le Tournoi des Six nations qui arrive, on a quand même des échéances qui sont proches donc il faut vite basculer. Il faut digérer cette déception et passer vite à autre chose, et se projeter sur les prochains matchs. On a un rassemblement le 21 mars et ensuite, c’est le début du tournoi le 3-4 avril“.

Lise Arricastre : “Je suis quelqu’un d’assez fataliste. Si c’est retardé, c’est retardé. C’est comme une décision arbitrale. Une fois que c’est sifflé, c’est sifflé. Ca sert à rien de râler, de remettre en question. C’est comme ça. Après, forcément, c’est beaucoup de déception par rapport à la préparation physique, mentale et tout ça. C’est une déception mais en même temps, ce n’est pas comme si on n’avait pas d’autres échéances à côté. Donc tout cet aspect physique et sportif sur lequel on a évolué ces derniers mois, on va pouvoir le mettre à profit pour le Tournoi des Six nations en avril“.

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Est-ce que vous comprenez cette décision de reporter la Coupe du monde ?

Lise Arricastre : “Oui, tout à fait. Moi je sais que si la Coupe du monde avait eu lieu en France et qu’on avait été dans ce contexte là, j’aurais apprécié le fait que ce soit programmé l’année suivante pour que plus de personnes puissent venir et puis aussi pour éviter de plus contaminer le pays. Au niveau des spectateurs français, ca sera peut-être plus facile à gérer dans un an, pour circuler plus librement. Donc si les gens peuvent se déplacer plus facilement pour la Coupe du monde dans un an, je trouve ca génial”.

Caroline Thomas : “Au moment de l’annonce, on a plein de questions qui nous ont traversé la tête. Mais après les questions “égoïstes” et les sentiments personnels, on a tout de suite pensé que la situation sanitaire était compliquée, que pour certaines nations c’était compliqué de suivre le protocole sanitaire, que toutes les équipes n’étaient pas encore qualifiées pour la Coupe du monde. Aller en Nouvelle-Zélande, qui n’a pas trop été touchée par la pandémie, c’était un risque pour la population. Donc voilà, après le sentiment un peu égoïste de se dire “mon dieu, mais ce Covid nous fout en l’air notre Coupe du monde“, c’est la dimension humaine qui a pris le pas et c’est peut-être mieux pour tout le monde. Et on jouera certainement une Coupe du monde l’année prochaine dans de meilleures conditions“.

Est-ce que ce report va chambouler votre programme de stages ?

Pauline Bourdon : “Oui, tout était mis en place jusqu’à la Coupe du monde, les stages de préparation. Donc là, par contre, il faut que le staff se retourne pour avoir un nouveau calendrier et la fédé aussi. Pour l’instant, on a zéro information sur le calendrier prochain. On sait juste qu’on fait le tournoi. On verra après”.

Est-ce que ce report joue sur votre motivation ?

Pauline Bourdon : “Moi en tout cas, je me dis qu’on a encore un an pour mieux se préparer. L’échéance est repoussée d’un an donc on va peut-être pouvoir peaufiner certaines choses. Donc il faut le prendre de ce côté là. Et la motivation reste toujours parce qu’un an et demi, ca passe vite donc est toujours motivées. Et nous, on a quand même de la chance de pouvoir continuer à jouer dans nos clubs et en équipe de France où on va attaquer le tournoi. Donc on reste quand même motivées et l’objectif ca sera de gagner le tournoi“.

Lise Arricastre : “le report, c’est à double tranchant. C’est un an de plus pour se préparer physiquement et techniquement, mais c’est aussi un an de plus pour, malheureusement, peut-être, se péter. Puis il va y avoir d’autres joueuses qui vont être découvertes, on a des jeunes qui poussent derrière. C’est de la concurrence super positive et saine. Ca va nous pousser à encore évoluer. Ce qui chiffonne le plus, c’est pour les joueuses qui pensaient stopper leur carrière après la Coupe du monde. Ca fait un an de plus à faire, professionnellement parlant, peut-être sentimentalement aussi, et physiquement surtout. Ca va être le plus difficile à gérer“.

Lise et Caroline, vous faîtes partie du groupe de joueuses plus âgées. Aviez-vous planifié l’arrêt de votre carrière internationale après la Coupe du monde ?

Lise Arricastre : “Il y a deux ans, je m’étais dit qu’après la Coupe du monde, j’allais arrêter. Mais plus l’échéance approchait et moins j’avais envie de lâcher les crampons. Parce que maintenant j’ai une préparation plus exigeante qu’avant et je prends plus de plaisir aussi. Et puis, je dis ca parce que je n’ai peut-être pas de projet professionnel pour l’après. Ce que je trouve important, c’est d’arrêter par soi-même et que ce ne soit pas une blessure ou le staff qui nous remercie gentiment. Je pense que pour conclure une carrière, c’est bien plus sain de le choisir. Aujourd’hui, je suis quasiment sûre que je n’arrêterai pas après la Coupe du monde, mais on verra dans un an. Parce que c’est court un an mais il peut se passer plein de choses. Il faudra voir quel sera mon état physique et psychologique à ce moment là“.

Caroline Thomas : “Je prends un peu ça au jour le jour, comme depuis le début. Je ne m’attendais jamais à jouer en équipe de France – enfin déjà, je ne m’attendais jamais à jouer au rugby. Je ne m’attendais jamais à jouer en première division, jamais à jouer en équipe de France, jamais à faire une Coupe du monde, et à en faire une deuxième. En fait, je prends les choses au jour le jour. Moi, la question que je me suis posée ce n’est pas forcément par rapport à mon âge, mais plutôt par rapport à ma condition physique. Si je suis toujours en forme, je prolongerai. Je ne me suis pas fixée de date“.

Caroline Thomas, comment tu te sens physiquement aujourd’hui ?

Caroline Thomas : “Je me suis fait opérer l’année dernière d’une hernie cervicale et j’ai un genou qui est plutôt mal en point. Et ces dernières semaines et derniers mois, j’ai tout fait pour qu’il soit en forme pour cette Coupe du monde. Donc la question d’arrêter par rapport à mon âge, par rapport à une fin de carrière après la Coupe du monde, je ne me la suis pas du tout posée. C’est plus une question de savoir si mon corps va tenir, s’il sera autant en forme dans un an, et de ce que je dois faire pour le maintenir en forme et qu’on puisse aller à cette Coupe du monde“.

Quand on approche la trentaine, est-ce qu’on se pose des questions supplémentaires par rapport au report ?

Caroline Thomas : “Je suis une femme et comme beaucoup, je sais très bien qu’un jour, j’aurai peut-être envie d’avoir des enfants. L’horloge biologique tourne aussi. Le sport fait qu’on est un peu détraqué au niveau de tout ça [des cycles menstruels]. Donc c’est plein de questions qui se posent. Mais pour l’instant, la question de mon âge par rapport à une fin de carrière, ce n’est pas du tout quelque chose que je me pose”.

Lise Arricastre : “Moi je suis quelqu’un de très famille. Ma sœur a eu un enfant dont je suis la marraine. C’est dur de ne pas participer aux évènements de leurs vies. C’est sûr que je n’attendrai pas 40 ans pour profiter davantage de ma famille“.

Merci à Lise Arricastre, Pauline Bourdon et Caroline Thomas. Les bleues sont désormais tournées vers la préparation du Tournoi des Six nations.