Cette semaine nous continuons notre grand format portant sur les enjeux du rugby féminin pour les marques. La semaine dernière, le premier article de ce grand format présentait le cas de SmartPower, une start-up située à Valence qui propose des crampons à la technologie différente des crampons classiques. Cette semaine, nous nous penchons sur la stratégie de Décathlon.

Depuis peu, le géant de l’équipement sportif Decathlon, jusqu’alors considéré comme l’équipementier des débutant(es), souhaite prouver que ses produits sont adaptés aux pratiquant(es) de tous les niveaux, mêmes les plus expérimentés. Pour cela, la marque est en train de développer ses équipes de conception et de miser sur de nouveaux marchés, lésés par ses concurrents majeurs. Prouver son expertise en misant sur les produits de rugby féminin, voilà le pari de la marque pour la rentrée. Nous avons rencontré Elodie Ruiz, cheffe de produit de la gamme femme.
Depuis quand Decathlon mise t-il sur le rugby féminin ?
Il faut remonter à la séparation du rugby et de Kipsta (NDLR Kipsta est aujourd’hui la marque de conception des produits de football à 11).
Qu’est ce que la marque Offload ?
La marque Offload a été créée en mars 2018 avec pour but de réunir des passionnés de rugby qui sauront répondre aux besoins d’autres sportifs passionnés. Les premiers produits Offload, dont les premiers produits de la gamme femme sont sortis en septembre 2018.

Prenez-vous un risque en investissant dans le développement d’une gamme féminine ?
ll est vrai que le rugby féminin reste un sport encore trop peu développé et son nombre de licenciées encore faible. Il est donc pour le moment un petit marché pour Decathlon. Cependant, entre 2004 et 2017 le nombre de licenciées a quadruplé et la tendance ne risque pas de s’inverser pour l’instant. On sait que c’est un marché à potentiel qui tendra à croître dans les années à venir.
Quels sont les caractéristiques de différenciation de cette gamme avec la gamme masculine ?
La différenciation s’opère sur deux aspects. D’une part, la coupe de nos produits. En effet, nous développons des panoplies (short et maillot) adaptées à la morphologie des femmes (col, cintré au niveau de la taille). D’autre part, les couleurs. Nous avons opté pour des couleurs féminines (le corail, le bordeaux, le bleu indigo par exemple) mais sans trop faire “girly”. Par ailleurs, des produits totalement spécifiques à la femme ont vu le jour comme notre brassière et notre epaulière, spécialement conçues pour la pratique du rugby.
Pensez-vous que proposer cette gamme est un moyen de promouvoir le rugby féminin ?
Oui, absolument. Chez Decathlon nous souhaitons faciliter l’accès au sport au plus grand nombre. Notre gamme femme répond tout à fait à ce souhait [NDLR très peu d’épaulière étaient proposées jusqu’à maintenant pour les joueuses de rugby]. De plus, la communication que nous faisons à ce sujet, en mettant en avant nos testeuses ainsi que nos ambassadrices sur nos réseaux sociaux et notre site web permet de valoriser l’image de la pratique.

Vous avez lancé une campagne d’ambassadrices sur Instagram à la rentrée, avez-vous senti des retombées ?
Notre travail avec nos nouvelles ambassadrices a des retombés très positives. D’abord, ces joueuses qui évoluent au meilleur niveau ont une communauté assez importante qui les suit sur les réseaux, ce qui permet de faire croître chaque jour notre communauté de followers. D’ailleurs, nous avons également lancé la campagne “Made for Us” sur nos réseaux , les mettant en avant et permettant de promouvoir le rugby féminin. Ces joueuses sont très investies dans le développement de nos produits et nous permettent d’avoir des échanges honnêtes sur leur évolution. Leur expertise et leurs retours sont primordiaux.
Comment choisissez-vous ces ambassadrices et à quoi correspond le terme de “partenaire technique” ?
Nous voulons que nos ambassadrices soient des joueuses évoluant au plus haut niveau, car elles sont soutenues par une communauté relativement importante, ce qui est intéressant. Par ailleurs, ce sont des joueuses très dévouées, qui ont à coeur de promouvoir le rugby féminin et de participer au développement de nos produits. Un partenaire technique est un joueur ou un collaborateur que l’on équipe et qui en échange, nous aide à développer nos produits grâce à ses retours et impressions. Nous parlons alors de co-conception.
Allez-vous continuer à développer de nouveaux produits ?
Oui. Le prochain gros projet est la chaussure femme. Nous développons actuellement une paire de crampons hybrides pour agrandir notre gamme femme. Des joueuses comme Gabrielle Vernier travaillent en collaboration avec nous pour nous faire leur retours sur les prototypes. Ensuite, un sous short est prévu pour 2021, ainsi qu’une panoplie de match adaptée à la morphologie féminine.

Songez-vous à rendre durable les campagnes de communication avec des joueuses ?
Notre objectif est d’établir une relation de confiance et d’échanges sur le moyen et long terme avec ces joueuses qui nous apportent beaucoup et donc de nous projeter avec elles.
Quels sont selon vous les enjeux du marché ?
Le rugby féminin est à ce jour un petit marché, ce qui nous empêche de développer autant de produits qu’on le voudrait. Cependant, nous savons aussi que c’est un marché en plein essor et se positionner dès maintenant nous permet de prendre un avantage compétitif dès le départ.
Cet article fait partie du dossier exceptionnel que nous vous proposons sur l’intérêt des marques pour le rugby féminin. La première partie portait sur la marque drômoise SmartPower. Rendez-vous dimanche prochain pour notre dernière partie avec Carole Gomez, spécialiste de la géopolitique du rugby et auteure du livre : Le rugby à la conquête du monde – Histoire et géopolitique de l’ovalie.