Assa Koita a décidé de raccrocher les crampons. Nous sommes revenus avec elle sur sa belle carrière et ses choix.
Crédit Photo : Vianney Thibaut
Quand as tu commencé le rugby ? Où ça ?
J’ai commencé à 16 ans à Vitry sur Seine. Cette année-là, au lycée, je ne savais pas trop quoi faire comme sport. Une amie à moi faisait du rugby depuis le collège, elle m’a proposé de venir essayer. Au début je lui ai dit « tu es folle, le rugby c’est trop violent ». Je n’avais que l’image de la télé, pour moi c’était un sport de brutes. Je ne me voyais pas du tout dans ce sport-là.
Mon amie m’a mise en confiance : on est entre filles, peu nombreuses, c’est tranquille… Dans un premier temps je suis venue voir un entrainement et j’ai vu que c’était cool. L’entrainement suivant j’ai pris mes affaires et j’ai kiffé ! A ce premier entrainement, mon coach de l’époque m’a dit : « Toi tu vas jouer en équipe de France ». Je me suis dit qu’est ce qu’il me raconte ?! Au final ça a été vrai !
Tout s’est enchaîné ensuite, j’ai fait des sélections, des stages, les U20 puis l’équipe de France.
Est-ce qu’il y a des personnes qui ont marqué ton parcours ?
Pour commencer ma copine qui m’a ramenée au rugby, je ne pourrais jamais la remercier assez.
Mon coach Florent Bonnefoy. C’est grâce à lui que j’ai eu les plus gros déclics. Au début j’utilisais mon gabarit, j’étais plus grande et plus costaud, je courais vite, c’était facile. Il m’a expliqué qu’en sénior ce serait différent, j’allais être confrontée à des filles du même profil que moi mais qui s’entrainaient davantage, allaient à la muscu, étaient mortes de faim. Si je voulais faire du haut niveau, je ne pouvais pas me reposer que sur mon gabarit. Il m’y a beaucoup préparé.
Une fois que j’avais compris que je pouvais accéder au haut niveau, je me suis fixée des objectifs, je me suis battue. Lorsque je voyais les joueuses de l’équipe de France, je voulais être avec elles. Je voulais utiliser mon potentiel pour gagner, pour marquer les gens, et aussi pour mon épanouissement personnel. Ma famille m’a soutenue dès le départ même s’ils étaient un peu réticents vis-à-vis du rugby.
Toutes les personnes que j’ai croisées dans le rugby m’ont apporté quelque chose, les staffs, les joueuses coéquipières et adversaires, les supporters.
Est-ce que tu as une joueuse préférée ?
J’en ai pleins ! Il y en a beaucoup que je trouve trop fortes ! Je vais dire Coumba, c’est ma copine. Il y a beaucoup de joueuses qui font rêver, qui ont du potentiel. J’espère qu’elles vont continuer à se battre et à montrer que nous les femmes on est des guerrières même sur un terrain de rugby.
Une adversaire qui t’a marquée ?
Ce n’est pas pour faire ma star, mais non, il n’y en a pas qui m’ont vraiment marquée. Il y a des joueuses que je trouve très fortes, comme les anglaises notamment.
Quel est ton plus beau souvenir rugbystique ?
Le grand chelem et la coupe du monde.
Le grand chelem c’était un tout. On l’a gagné. Le parcours, l’équipe, pour moi j’ai joué avec la meilleure équipe de France depuis toujours cette année-là. On a fait quelque chose de grand que je n’oublierais jamais. On était unies, soudées, on était un même corps. On s’est battues jusqu’à la fin et le grand chelem on l’a gagné ensemble. Chacune d’entre nous n’oubliera jamais ce moment-là.
La coupe du monde c’était un truc de fou, en plus en France. Même maintenant j’ai du mal à réaliser. Je pense qu’on aurait pu la gagner cette coupe du monde. Mais les canadiennes nous ont eu, c’est comme ça.
J’étais à Bobigny. On perd en finale contre Montpellier. Nous avons fait une grosse saison, avec un seul match perdu pendant la saison régulière à Montpellier.
L’année 2014 a été ma plus belle année rugbystique.

Photo Vianney THIBAUT
2014 est une année qui a marqué le rugby féminin.
Exactement. On a marqué l’histoire. On a fait rêver les jeunes filles. Certaines jouent maintenant, quand elles nous parlent de 2014, on prend conscience de l’impact que l’on a pu avoir sur elle. Nous avons suscité l’envie, nous avons montré que nous savions jouer au rugby. Nous avons mis en valeur la pratique féminine. Procurer du bonheur en jouant, ça n’a pas de prix.
Une anecdote qui t’a marquée ?
Remplir un stade tout simplement. Jouer devant plus de 20 000 personnes, devant sa famille, ses amis.
Qu’est-ce que le rugby t’a apporté ?
Le rugby m’a permis d’être encore plus sûre de moi. Si je veux quelque chose, je le dis. Je n’ai pas de barrières et je n’ai pas peur du jugement des autres.
Le rugby m’a permis de m’affirmer, de savoir qui j’étais. La confiance de tes coéquipières te donne de la force sur le terrain mais aussi dans la vie de tous les jours.
Les valeurs véhiculées par le rugby sont les valeurs de la vie. Cela a été un chemin de conduite dans ma vie personnelle. Ces valeurs là je les avais déjà avec ma famille, religieusement, culturellement, tout est lié. C’est pour cela que je me sentais bien. Il faut être solidaire, respectueux, être à l’écoute, dans l’entraide. Il faut avancer, laisser personne te marcher dessus. Il faut se faire plaisir, être là pour les autres comme les autres sont là pour toi. Tout est complémentaire.
Le rugby devait faire partie de ma vie et il a fait partie de ma vie.
En 2014 lors de la coupe du monde, une journaliste interviewe Assa. Elle déforme ses propos et écrit en la citant :
« Si le rugby cherche des gabarits forts, il les trouvera là-bas, [dans les banlieues]. Nous, les Blacks issues de l’immigration, nous sommes athlétiquement plus développées que d’autres. C’est une réalité. Le potentiel est là. Surtout si on y ajoute la rage de vivre qu’on peut mettre sur le terrain. Même si c’est un cliché, cette rage dans les banlieues peut servir au rugby. Et ce dernier peut la canaliser. L’agressivité sur un terrain, c’est dix fois mieux que la violence. »
La Parisien
Suite à cette article, Assa est invitée sur une radio en direct. Alors quand l’HOMME, BLANC, ÂGÉ s’adresse à la FEMME, NOIRE, JEUNE et l’accuse de racisme, on ne sait pas si on doit en rire ou en pleurer. OK, c’était de la provocation on a bien compris, mais quand même… Assa s’en sort à merveille et la personne qui renvoie le plus de maturité, c’est bien elle !
Avec le recul, qu’en penses tu ?
Après l’interview, j’ai eu beaucoup de retour de personnes qui m’ont dit que j’avais très bien réagit. Il a voulu me piquer mais j’ai très bien répondu.
Être accusée de racisme, c’est tellement ridicule que cela ne m’atteint pas. Je sais que c’est faux donc cela me passe au-dessus de la tête.
Tu as pris la décision d’arrêter le rugby après cette saison un peu bizarre. Comment as-tu fait ton choix ?
Ça fait un moment que j’y penses. Mon corps est abimé, je me suis fait opérer d’une épaule, d’un genou, j’ai le dos en vrac… Je me suis fait mal à la cheville au mois d’octobre et j’ai galéré à revenir. Même aujourd’hui j’ai encore quelques douleurs. Je me suis dit que cela allait être très dur de revenir. Mentalement c’est différent aussi, avant, après une blessure, je me battais, je savais que j’allais revenir, maintenant avec l’âge c’est plus difficile. Les choses évoluent aussi dans ma vie personnelle, c’est le moment d’arrêter. Je n’ai pas envie de faire l’année de trop.
J’y ai réfléchis très longuement afin de ne pas avoir de regret. Je n’avais pas envie d’arrêter sur une blessure, sur la covid mais je ne voulais pas forcer non plus. Je ne veux pas continuer si je ne prends plus de plaisir.
As-tu peur de la gestion après rugby ?
Non car j’y réfléchis depuis longtemps, j’ai des projets.
Ça m’a fait bizarre quand j’ai publié mon message sur les réseaux sociaux mais ça m’a soulagée aussi car ça actait mon arrêt. Tous les messages que j’ai reçus ensuite m’ont beaucoup touchée, je ne m’y attendais pas du tout. J’ai eu des messages de soutiens, des compliments, des témoignages profonds qui m’ont touchée. Je ne pensais pas avoir marqué autant de personnes. Les gens se souviennent de moi alors que cela fait 5 ans que je ne suis plus en équipe de France.
Que pouvons-nous te souhaiter pour la suite ?
Tout le bonheur du monde ! 😊 La santé, la paix, le bonheur tout simplement. La réussite dans ce que je vais entreprendre par la suite.
Je n’ai pas de projets autour du rugby pour le moment. Je coupe vraiment après on verra par la suite, peut être que je changerais d’avis. On évolue constamment. Je ne sais pas si j’aurais la patience pour être coach.
Pour vous ! Le message d’Assa
Battez-vous pour vos rêves, allez jusqu’au bout. Ne vous mettez pas de barrières. Travaillez pour obtenir ce que vous voulez, un échec n’est pas une fin en soi, continuez à vous battre. J’encourage les gens à vivre leurs rêves. La vie est un combat, il faut se battre !
Pour les jeunes filles, faites du sport. Personne ne doit vous dire quoi que ce soit, ni vous juger.