Assa Koïta a décidé de raccrocher les crampons. Nous sommes revenus avec elle sur sa belle carrière et ses choix.
Crédit Photo : Stéphane Hamel
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Tu as connu ta première sélection avec une victoire contre les Anglaises en novembre 2011, à tout juste 20 ans. Quel a été ton ressenti à ce moment-là ?
J’avais l’impression que ce n’était pas réel, c’était tellement magique. Ça y est je suis là, je chante la marseillaise, je suis avec les grandes, je suis une joueuse internationale. C’était ouf tout simplement !
Assa est ensuite devenu titulaire indiscutable en 2ème ligne du XV de France, au point d’être élue dans la dream team de la coupe du monde 2014 au côté de ses coéquipières Safi N’Diaye et Sandrine Agricole ainsi que d’autres stars des autres pays.
À la suite de la coupe du monde 2014, tu as participé aux stages de début 2015 puis aucune sélection ensuite. Pourquoi ?
Mes choix par rapport à ma vie personnelle ont impacté ma vie sportive au niveau international. C’est dommage que l’on s’arrête à un style vestimentaire ou à certains clichés sans chercher à comprendre la profondeur des choses et même sans faire de propositions. On ne m’a même pas dit « si tu viens à Marcoussis, tu enlèves ton foulard », on ne me l’a pas proposé. J’ai eu des petites promesses : continue à t’entrainer, si tu es prête on va t’appeler…
Moi je savais que c’était mort. Pourquoi on ne m’appelait plus du jour au lendemain alors que j’étais la meilleure ? Après chaque match en club, les gens me demandaient pourquoi je n’étais pas dans le groupe. Je ne voulais pas trop en parler parce que je jouais encore, je ne voulais pas avoir de soucis.
Tu avais encore un espoir de jouer en équipe de France ?
Non pas du tout. Vu comment la religion est vue, avec tous les amalgames, je n’avais pas envie de me fatiguer.
Les gens verront d’eux-mêmes que je n’ai pas changé, pas négativement en tout cas, bien au contraire. J’étais libre, libre d’être moi-même. J’ai continué à jouer au haut niveau, cela n’a rien changé à ma vie.
Est-ce qu’on t’a dit clairement que l’arrêt des sélections était lié au port du foulard ?
Non, on ne me l’a pas dit clairement. J’ai eu des appels pour me poser des questions : « tu portes le voile, qu’est ce qui t’arrives ? ça va ? » Oui ça va très bien, je ne suis pas mariée, ce n’est pas un homme qui décide pour moi. Les gens pensent que c’était quelqu’un qui me l’imposait, mais pas du tout. J’ai du caractère, c’est mon choix. On est soumis à un Dieu, pas à un homme. Depuis que j’ai 18 ans je n’habite plus chez mes parents, je n’ai aucune pression familiale. C’est un choix personnel et réfléchi, je suis totalement libre.
Les joueuses l’ont respecté, les staffs que j’ai eus par la suite aussi, cela n’a posé aucun problème. J’étais toujours cette joueuse-là, souriante, dans le partage, la rigolade, ouverte d’esprit.

J’ai su qu’il y avait eu des discussions avec le CNR, certains ne voyaient pas de problème tant que la fille avait le niveau. Je pense que le blocage venait d’ailleurs, de personnes qui n’acceptaient pas. Tant pis, j’ai fait mes choix, je les assume et je suis heureuse. C’est dommage car je sais que j’avais encore le niveau. Je le sais clairement car j’ai posé la question : « est ce qu’il y a une deuxième ligne meilleure que moi ? » La réponse a été non. Au moins c’était clair.
Si une fille est voilée, même si elle a le potentiel, elle sait qu’elle ne pourra jamais accéder au haut niveau. Il y a des barrières, tout le monde n’est pas accepté.
Un coach de l’équipe de France est passé par mes copines : « elle a toujours son foulard sur la tête ? », je pense qu’il essayait de me faire passer un message, il avait espoir que je l’enlève pour pouvoir me sélectionner… soit vous me prenez comme je suis, soit vous ne me prenez pas, il y a d’autres joueuses.
Penses-tu que cela peut changer ?
J’ai l’espoir. Je suis très positive dans ma vie en général, j’espère qu’un jour les codes seront brisés, que les filles seront acceptées. Il y a quand même un cadre en équipe de France, tout le monde est habillé pareil, on représente la France. Il ne s’agit pas non plus de s’imposer, ni d’envahir les autres.
Je le souhaite énormément pour les générations futures.
As-tu des exemples de sportives françaises, dans d’autres sports, qui représentent la France et qui portent le voile ?
Je sais que Myriam Soumaré, en athlétisme, était voilée et le retirait pour courir. En athlétisme le code vestimentaire est très strict. Sinon, non, je n’en connais pas d’autres.
Le foulard, pour certains, je le porte trop, et pour d’autres pas assez. Je le portais avant même de faire de l’athlétisme. Ma grande sœur ne le porte pas et c’est son choix. Quant à ceux qui me reprochent de courir en brassière et jambes nues, je leur dis que ce n’est pas leur problème. Il n’y a personne entre le croyant et Dieu.
Myriam Soumaré, L’équipe Magazine

Crédit Photo Douglas Cavalera
Est-ce que le problème n’est pas plus profond que juste le rugby féminin ?
Oui bien sûr, c’est plus profond, on touche la politique. Vu que les gens ont une image négative de l’Islam, ils ne veulent pas que la France ait cette image. Je peux le comprendre, mais il faut avoir des discussions, s’ouvrir et ne pas rester bloqué sur la télé ou sur ce que l’on entend. Je ne vais pas aller en Syrie ou me faire exploser ! J’ai juste rajouté un foulard sur ma tête, c’est tout, rien d’autre n’a changé.
J’ai des copines qui m’ont dit « tu aurais dû aller jouer en Angleterre ». J’ai rigolé. Je suis contente de ce que j’ai vécu, je suis contente d’avoir chanté des marseillaises.