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Clémence Gueucier et Marjorie Mayans nous livrent leur expertise sur la formation des joueuses à 7s avant le démarrage des Jeux Olympiques de Tokyo.

Le profil de nos expertes

Clémence Gueucier, ancienne internationale 7s, a fait partie de la première vague de contrat pro en 2014. Elle clôture sa carrière internationale en 2017 mais continue de jouer en Elite à Bobigny. Elle a passé un diplôme de préparation mentale et a basculé progressivement de l’autre côté du terrain, en devenant entraîneur du groupe France 7s développement et France 7s U18. Elle est également manager de la toute nouvelle académie espoir d’Aulnay.

Marjorie Mayans, bien connue pour ses terribles placages sécateurs, a débuté sa carrière internationale par le Rugby 7s en 2009. Elle a ensuite menée les deux carrières internationales XV et 7s jusque l’an passé où elle a décidé de se concentrer sur le XV en vu de la prochaine coupe du monde en NZ. Elle a participé aux JO de Rio et fait partie de l’équipe vice-championne du monde 7s en 2018.

Les championnats étant axés sur le XV, Comment une joueuse se dit qu’elle souhaite faire du 7s ?

Clémence : Aujourd’hui en France c’est vrai que culturellement et historiquement c’est le XV qui est le plus ancré. Dans les clubs la pratique est plutôt à XV même si certains clubs utilisent le 7s pour la formation de la joueuse, la polyvalence, l’intensité… mais il n’y a pas de championnat. Une fille qui veut faire du 7s, souvent elle va d’abord faire du XV. Les sélectionneurs regardent souvent les matchs de championnat donc si il y a une fille qui sort un peu du lot, qui a des appétences ou un profil 7s, elle peut être repérée comme ça. Maintenant il y a les académies, on forme les joueuses en moins de 18 ans sans différenciation XV et 7s. Les forts potentiels sont souvent déjà dans la filière d’accès au haut niveau. On les repère comme ça. On échange régulièrement avec la fédé, sur les profils recherchés, sur les joueuses avec un profil 7s, très énergétiques, aériens, combatifs. Evidemment il faut également que la joueuse, de son côté, ait envie d’aller sur cette pratique.

Marjorie : Quand j’ai commencé, on ne se disait pas forcément qu’on allait faire du 7s, on nous appelait pour des stages puis ça se faisait petit à petit. Aujourd’hui le 7s est de plus en plus médiatisé. Ça passe par de bonnes performances sur les tournois 7s qui sont organisés par la fédération, sur les performances que les joueuses ont sur le XV. Ensuite la grosse formation se fait lorsque les joueuses sont appelées sur des stages.

Qu’est ce qui est mis en place en France pour le développement des joueuses ?

Marjorie : C’est toute une stratégie qui est mise en place pour le 7s. C’est beaucoup focalisé sur les joueuses pro. Elles sont beaucoup entourées, des préparateurs physiques, des entraineurs qui sont spécialisés 7s car la préparation diffère quand même du XV.

Clémence : Il y a les académies, le pôle France, l’équipe France 7s développement, des moments où des jeunes potentiels viennent faire des stages avec les pros. Il y a les U18 7s lorsqu’il y a les championnats d’Europe et les Jeux Olympiques de la Jeunesse. Il n’y a pas de championnat de France 7s mais la filière d’accès au haut niveau est double XV et 7s. On forme des joueuses, on essaie de développer leur compétence. Tu peux ensuite accéder à l’un ou à l’autre, ou aux deux.

A chaque fois qu’il y a des rassemblements types top 100 U18 ou U20, il y a une journée avec des oppositions à XV puis ensuite des joueuses vont faire des oppositions à X et d’autres joueuse à 7s. C’est une bonne opportunité pour s’exprimer sur une pratique 7s.

Les U18 7s championnes d’Europe 2019 avec Chloé Jacquet qui participera aux JO à 19 ans.

Comment est construit le parcours de développement d’une joueuse ? le choix XV ou 7s ?

Clémence : L’idée forte est de se dire que la joueuse est actrice de son projet. La priorité est de sonder ce qu’elle a envie de faire. Nous, en tant qu’entraineur, on est des accompagnateurs de performance donc on essaie de développer au mieux le potentiel individuel de chacun, dans un contexte collectif. Il y a beaucoup d’échanges entre les deux staffs à XV et à 7s, sur les profils d’équipes qu’ils ont, les besoins qu’ils ont à certains postes. En fonction de cela, la joueuse est sondée sur ses envies.

Plus jeune, c’est le même genre d’échanges que l’on peut avoir avec les joueuses, dans tous les cas, rien n’est imposé, ca doit rester le projet de la joueuse.

Marjorie : Il n’y a pas forcément un choix immédiat. Même des filles qui sont sous contrat 7s sont susceptibles de faire du XV, ce n’est jamais un choix définitif. Selon les échéances qu’il y a sur certaines saisons, il y a des choix de développer la joueuse plutôt sur un profil XV ou un profil 7s.

Quel conseil donneriez vous aux jeunes qui souhaitent progresser pour le 7s ?

Marjorie : Déjà bien se former à XV, les deux formes restent du rugby. Rester dans un esprit de haut niveau, quelqu’un qui veut performer à 7s doit s’entrainer dur, tout comme quelqu’un qui veut performer à XV. Si son profil est repéré, le reste suivra. L’important c’est de s’éclater au rugby pour tout donner, pour être performante sur les terrains.

Clémence : je donnerais les mêmes conseils à 7s que à XV. C’est vrai que le 7s est très exigeant, notamment sur le plan mental, énergétique, technique mais je crois que pour se préparer à faire du au haut niveau il faut les mêmes ingrédients que ce soit une pratique à 7s ou à XV. Il faut prendre conscience que pour aller à ce niveau là, c’est dur. Y rester, c’est encore plus dur. Il faut faire des choix fort, dès jeune.

Aujourd’hui, les filles que l’on a dans les académies, elles n’ont pas des vies d’adolescentes ordinaires. Pendant les vacances d’été, il faut continuer la préparation physique. Il faut être capable de se coucher tôt, de manger bien… Il y a tout ces aspects, donc le conseil que je donnerais à une jeune c’est que si c’est vraiment quelque chose qui la motive, il faut y aller à 200%. Il ne faut pas hésiter et mettre toutes les chances de son côté, bien prendre en compte tous les facteurs de la performance. Il faut s’entrainer fort, beaucoup mais aussi tout l’entrainement un peu caché : bien dormir, bien manger, bien s’hydrater, bien s’organiser pour mener à bien l’école en parallèle, continuer à voir ses amis… Pour un jeune, c’est ça qui est difficile, c’est simple d’être distrait. Il faut bien se poser afin de trouver son équilibre. Il faut réussir à nourrir son double projet sportif et professionnel. C’est très important de prévoir son projet professionnel. A côté de cela, il faut aussi que les jeunes continuent à avoir des temps de jeune… sortir, voir ses amis.

Y aller à fond, pleinement, et trouver son équilibre !