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Photo : Stade Rochelais

Le Stade Rochelais et l’association Groupe e ont mis en place un accompagnement professionnel pour les joueuses. Dans le cadre de cette initiative, les entreprises partenaires du club, ou du bassin local, sont sollicitées pour leur proposer des solutions d’emploi adaptées à leur calendrier sportif et leurs besoins. Cet accompagnement global, de la recherche d’emploi jusqu’à la préparation de l’entretien d’embauche, permet aux joueuses de se libérer d’inquiétudes et de s’entraîner dans de meilleures conditions.

Le Groupe e sponsorise deux équipes féminines de rugby

Le Groupe e est un ensemblier de l’économie sociale et solidaire, à but non lucratif, réunissant 4 associations et 3 SCOP (Société coopérative et participative). Pour se faire connaître en tant que groupe engagé dans les secteurs de l’emploi, de l’insertion et de la formation, il décide de sponsoriser des équipes sportives.

« On voulait sponsoriser des équipes représentant les valeurs de l’ensemblier, explique Jeanne Nicod, chargée de mission développement du Groupe e. On a trouvé qu’il y avait un beau parallèle à faire entre le sport féminin et nos publics. Et on a choisi le rugby car l’ensemblier est implanté sur la façade atlantique et en Auvergne, deux terres de rugby ». Depuis septembre 2019, le groupe sponsorise deux équipes féminines, l’ASM Romagnat et les POC’ettes du Stade Rochelais.

Equipe du groupe e avec deux joueuses du Stade Rochelais
Jeanne Nicod et Antoine Pouget du Groupe e avec Lucie et Louna du Stade Rochelais

L’expertise du sponsor au profit du double projet

Comme le résume Alexandre Barès, coach de l’équipe féminine du Stade Rochelais, « le sport féminin, c’est du double projet. Au Stade Rochelais, on essaie de pousser les joueuses sur les deux cotés ».

Côté professionnel, le nouveau sponsor perçoit rapidement la problématique des jeunes athlètes qui s’entraînent intensément mais ne perçoivent aucune rémunération. Spécialisé dans l’emploi, l’insertion et la formation, le groupe décide alors d’apporter son expertise au profit des joueuses. « Le Groupe e est un partenaire financier du club mais aussi un partenaire social. C’est un partenariat à double profit pour nous », explique le coach.

A partir de ce moment là, plusieurs joueuses prennent contact avec Jeanne Nicod et Antoine Pouget, du Groupe e, pour leur faire part des difficultés qu’elles rencontrent dans leur double, voire triple projet (rugby, études, emploi). « Elles sont tellement passionnées par leur sport qu’elles n’envisagent pas d’abandonner le rugby jusqu’au jour où elles n’ont plus le choix tellement les contraintes sont fortes », déplore Jeanne Nicod.

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Emma Gallagher, Lou Richard, Louise Flament
De gauche à droite : Emma Gallagher, Lou Richard et Louise Flament du Stade Rochelais

Solliciter les entreprises partenaires du Stade Rochelais

Selon leurs besoins, les jeunes femmes peuvent profiter des offres de mission proposées par les membres de l’ensemblier spécialisés dans ce domaine (ADEF, Chronos intérim…). Pour les recherches d’emploi plus stables, les stages ou alternances, le Groupe e décide s’adresser en priorité aux plus de 600 entreprises partenaires du Stade Rochelais.

Peu d’entre elles connaissent l’équipe féminine mais lorsqu’elles prennent conscience des difficultés rencontrées par les athlètes féminines, elles acceptent de pousser plus loin leur partenariat en recrutant des rugbywomen. « On s’est rendu compte que les entreprises étaient très enthousiastes et qu’elles avaient envie de s’investir dans une approche plus humaine et en cohérence avec leurs propres valeurs », témoigne Jeanne Nicod.

C’est ainsi que Léa Nature, une grande entreprise rochelaise, décide d’accueillir deux joueuses au sein de ses équipes. Des POC’ettes sont également embauchées dans d’autres organisations comme Leroy Merlin, le Crédit Agricole Charente Maritimes, la FNAC, le restaurant de Grégory Coutanceau, Wood Street, Urbaser, ou encore les mairies de La Rochelle et de Périgny.

Un accompagnement professionnel global

L’accompagnement professionnel réalisé est à 360 degrés. Il s’agit d’étudier l’employabilité de la joueuse, de cerner ses besoins et ses envies. En fonction de ce bilan, des recherches d’emploi ciblées sont alors effectuées. Le Groupe va également aider les jeunes femmes dans la rédaction de leur CV, leur lettre de motivation et les coacher sur l’entretien d’embauche.

Pour les entreprises, les calendriers sportifs des joueuses sont évidement contraignants. Mais ces jeunes femmes sont extrêmement déterminées, dynamiques, organisées, volontaires et disciplinées. Comme Jeanne Nicod le résume : « Elles n’ont peur de rien. Ce sont de vrais atouts pour les entreprises ».

Emma Gallagher du Stade Rochelais
Emma Gallagher

Une québécoise chez Leroy Merlin, le cas d’Emma Gallagher

Au Canada, la pandémie a entraîné l’arrêt total du championnat et les fédérations canadienne et française se sont mises d’accord sur le recrutement de joueuses outre-atlantique dans les clubs de la métropole. C’est dans ce contexte qu’Emma Gallagher a décidé de mettre entre parenthèse ses études de management sportif pour tenter l’aventure avec le Stade Rochelais. « Je suis arrivée en France un jour avant le 1er entraînement, début août », ajoute la montréalaise. Elle est tout de suite accueillie, avec 7 autres joueuses, dans une résidence pour jeunes qui l’aide également dans ses démarches administratives (CAF, sécurité sociale, etc.).

« La première semaine où je suis arrivée, je n’avais pas envie de chercher un emploi dans mon domaine d’études. Je travaille déjà à distance pour la fédération québécoise de rugby. Sachant que j’étais en France pour une année, je n’avais pas envie de chercher un travail trop sérieux », explique Emma. Le Groupe e l’aide à rédiger son CV, ses lettres de motivation et l’accompagne dans ses recherches d’emploi. Il faut savoir qu’Emma Gallagher est anglophone. Même si elle maîtrise parfaitement bien le français aujourd’hui, les premières semaines d’acclimatation ont été difficiles et l’aide bienvenue.

Emma Gallagher commence par des missions d’intérim. Petit à petit, la joueuse enchaîne les contrats jusqu’à 15 à 18h hebdomadaires. N’étant pas véhiculée, elle doit se déplacer auprès de ses différents employeurs en vélo ce qui commence à devenir compliqué. C’est alors qu’elle a l’opportunité d’intégrer les équipes de Leroy Merlin pour un CDD. « Aujourd’hui, je travaille pour le service retrait marchandises. Vu que les salles de muscu étaient fermées, travailler dans un entrepôt m’a permis de rester en forme ! » dit-elle avec humour.

Hélas, la crise sanitaire et le couvre-feu ont entraîné l’arrêt du championnat Elite 2 et des entraînements le soir. « Le rugby nord-américain est très différent du rugby pratiqué ici. Avec le couvre-feu et l’arrêt des matchs, je n’ai pas l’impression d’être allée vraiment au bout de l’expérience. Alors peut-être que je reviendrai la saison prochaine ou une autre année », conclut-t-elle.

Lou Richard du Stade Rochelais
Lou Richard

La reconversion de Lou Richard dans la menuiserie

Lou Richard est demie de mêlée, demie d’ouverture ou arrière de l’équipe féminine du Stade Rochelais. Après son bac, Lou est indécise sur son orientation et choisit de suivre un BTS support à l’action managériale au sein de son lycée. « J’ai eu mon BTS mais je ne savais toujours pas quoi faire, donc je me suis tournée vers le Groupe e qui m’a aidé à changer de voie » témoigne Lou.

Antoine Pouget (Groupe e) la reçoit en entretien pour l’aider à dégager ses centres d’intérêt et trouver une activité professionnelle en adéquation avec ses aspirations. Pour Lou, ça sera finalement la menuiserie. L’accompagnement ne s’arrête pas là : « il m’a aidé pour les démarches auprès des compagnons du devoir et pour trouver une entreprise en alternance à laquelle je puisse accéder en vélo ou en transports en commun », ajoute-t-elle.

Désormais, la jeune femme de 20 ans s’accomplit personnellement et professionnellement au sein de l’entreprise Wood Street. « Je fais quelque chose qui me plaît beaucoup et j’arrive à me projeter dans l’avenir sur ce métier. Donc forcément, c’est très satisfaisant ». De plus, le patron de Lou est très compréhensif par rapport à son activité rugbystique et elle peut s’entraîner et matcher sans difficulté – lorsque la crise sanitaire le permet.

Niveau rugby, Lou Richard souhaite jouer à la Rochelle encore de nombreuses années et monter en Elite 1 avec ses coéquipières.

Louise Flament. Crédit photo : Didou17

La 3e ligne rippeuse, Louise Flament

La joueuse débute le rugby dans la Creuse avant de partir à Limoges. Repérée par le Stade Rochelais, la 3e ligne déménage sur la côte atlantique et intègre le centre de formation du club. A l’époque, Louise est étudiante en STAPS mais elle est contrainte d’abandonner son cursus car les allers retours à Poitiers deviennent trop compliqués à gérer avec les entraînements. Elle décide alors de changer de voie : « je suis coach sportive depuis un an. J’ai été diplômée du BPJEPS juste après le 1er confinement ».

Avec la pandémie, la salle de sports dans laquelle elle dispense des cours en tant qu’auto-entrepreneure, le Kabuto fight club, est contraint de rester porte close. Elle doit alors trouver une solution pour subvenir à ses besoins. « J’ai demandé au Groupe e de m’aider à trouver un travail dont les horaires soient concentrés sur la matinée. Je voulais aussi travailler en extérieur et pas derrière un bureau », explique Louise.

Le Groupe e entre en contact avec le chef des équipes d’Urbaser, spécialisée dans le ramassage, la gestion, le traitement et le recyclage des déchets, pour présenter son profil. « Ils ont accepté de me prendre avec une autre joueuse de l’équipe », ajoute Louise. Les deux rugbywomen deviennent rippeuses. Elles débutent leur journée à 4h du matin, mais ne terminent jamais après 11h. Elles ont également négocié de ne pas réaliser les collectes le samedi matin afin d’être disponibles pour leurs entraînements ou leurs matchs – quand il y en a.

Est-ce que cette nouvelle activité professionnelle lui plaît ? « Je suis dehors, je ne vois pas le temps passer. Et c’est sympa de courir après le camion. Ça paraît être une tâche ingrate mais ce n’est pas du tout le cas » témoigne-t-elle.

23 joueuses ont déjà bénéficié d’un accompagnement réussi

A ce jour, 23 joueuses ont trouvé un stage, une alternance, une mission d’intérim, un CDD ou un CDI à temps partiel ou temps plein. Comme le précise Jeanne Nicod, cet accompagnement sera bientôt proposé aux joueuses de l’ASM Romagnat qui en ont besoin. Une opération avec Jessy Trémoulière a d’ailleurs déjà été mise en place.

Une belle initiative du Groupe e au service de deux équipes féminines de rugby.

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