Les joueuses de haut niveau ont envie d’exceller dans leur sport. A côté de leur passion, elles doivent également étudier pour préparer leur avenir et/ou travailler pour subvenir à leurs besoins. Les rugbywomen doivent construire un double projet qui ne sacrifie pas l’un ou l’autre des domaines, mais ce n’est pas toujours aisé. Pourtant, un double projet bien équilibré permet à l’athlète un meilleur épanouissement dans son travail, sur le terrain et dans sa vie de femme. Laura di Muzio du LMRCV et Ingrid Amigorena de l’ASB se confient sur ce sujet.
Photo : Ingrid Amigorena, talonneuse de l’ASB, dans son laboratoire d’analyses médicales.
“Les joueuses ont besoin d’être accompagnées” (Laura di Muzio)
La tentation de sacrifier ses études
Une athlète de haut niveau, passionnée par son sport, peut être tentée de choisir son orientation en fonction de la facilité à combiner études et entraînements. Certaines joueuses vont même plus loin en sacrifiant leurs études et en choisissant un travail peu contraignant pour pouvoir se consacrer pleinement à leur pratique rugbystique. En réalisant ces choix par défaut, ces joueuses de rugby prennent le risque de ne pas s’épanouir dans leur carrière à côté du rugby.
A l’inverse, d’autres jeunes femmes font le choix de mettre entre parenthèse le rugby le temps de terminer leurs études et d’assurer leur avenir.
Pour Laura di Muzio, joueuse du Lille Métropole Rugby Club Villeneuvois : “c’est dommage qu’une sportive de haut niveau fasse ce genre de sacrifices. En plus, au moment de faire ces choix importants, certaines jeunes filles sont éloignées de leurs familles, isolées. Elles ont besoin d’être accompagnées”.

Les contraintes de planning et les absences à l’entraînement
Jouer au rugby implique d’effectuer des entraînements plusieurs soirs par semaine et d’avoir des matchs le weekend. Les déplacements peuvent être longs et il n’est pas rare, pour une équipe, de partir le samedi midi pour rentrer le dimanche dans la nuit. Les contraintes de planning peuvent parfois tourner au casse-tête pour les athlètes.
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Ingrid Amigorena, vice-capitaine de l’Association Sportive Bayonnaise, confirme : “le plus embêtant, c’est pour les entraînements parce qu’il manque toujours quelqu’un. Pour les coachs, ce n’est pas évident de mettre des choses en place quand il manque du monde. D’une session sur l’autre, il faut répéter et refaire ce qu’on avait vu la fois précédente”.
La talonneuse de l’ASB manque d’ailleurs régulièrement à l’appel. En tant que laborantine, elle analyse les échantillons en plateau technique au sein d’un laboratoire privé. Mais avec la crise sanitaire, “je rate un entraînement sur trois par semaine parce qu’on termine plus tard que d’habitude à cause des analyses du Covid-19“. Et pour les matchs ? “Heureusement, mes collègues sont sympas et je peux échanger avec eux les weekends où je joue. Donc ça va, je m’en sors bien. J’arrive à m’organiser entre le travail et le rugby“.

Un profil de sportive qui peut attirer les entreprises
Les sportives ont un profil rassurant pour l’entreprise car ce sont des femmes qui ont déjà atteint le haut niveau dans leur sport et qui ont toutes les qualités pour l’atteindre dans leur milieu professionnel.
“Les athlètes de haut niveau ont un profil qui plait en entreprise car ce sont des jeunes femmes qui n’ont pas peur de travailler comme elles le démontrent tous les jours depuis des années lors des entraînements, ajoute Laura di Muzio. Elles ont aussi une très bonne capacité à s’organiser car cela fait des années qu’elles arrivent à jongler entre le rugby et les études. Et elles sont efficaces dans leur travail parce qu’elles ont l’habitude de tout mener de front. Ce sont des personnes sur qui on peut compter, qui savent travailler en équipe et seule, qui ont du mental. Elles savent aussi créer un engouement avec les collègues autour de leur pratique sportive ou des matchs. Elles peuvent devenir de vrais éléments moteurs dans une équipe”.
L’activité professionnelle comme source d’épanouissement
Les joueuses de rugby peuvent rencontrer des difficultés pour concilier vie professionnelle et rugby. Cependant, cette activité permet à l’athlète de trouver un véritable équilibre.
Ingrid Amigorena va d’ailleurs dans ce sens. “A choisir, je préfèrerais jouer au rugby tous les jours, mais c’est bien aussi de couper niveau rugbystique et d’avoir quelque chose à côté. Ça fait du bien. Ça permet d’évoluer dans un autre milieu que celui du rugby et de voir d’autres personnes“.
Laura di Muzio rappelle également que “le sport de haut niveau, mentalement c’est très dur, très lourd. Il y a une discipline quotidienne à avoir sur la diététique, sur la préparation physique, l’entraînement. C’est une routine sportive très contraignante. N’évoluer que là-dedans peut parfois avoir un impact négatif sur un individu. C’est important de sortir du rugby, surtout quand on est un peu blessée, en méforme, on peut rentrer dans un cercle dangereux. Alors lorsqu’on voit autre chose, on développe d’autres compétences, on se sent utile différemment, on est stimulée autrement que par le sport. Ça permet de prendre de la hauteur, de voir autre chose, d’avoir d’autres objectifs que sportifs et d’être en réussite différemment”.
Un double projet réussi permet à l’athlète de haut niveau de s’épanouir à la fois dans le rugby et dans son milieu professionnel. Pour rendre cela possible, les entreprises, administrations, écoles ou universités doivent accepter d’aménager le temps de travail de leurs employées ou étudiantes.
“Faire autre chose (…) ca permet d’être en réussite différemment” (Laura di Muzio)