Temps de lecture : 6 min

La blessure est multi-factorielle. La gestion du niveau de stress pour la joueuse de rugby joue un rôle important sur sa performance et dans la prévention des blessures. Ainsi, il est dans l’intérêt de la joueuse d’essayer de le réguler. Face au stress, les routines d’échauffement et de récupération sont des outils à exploiter.

Gabrielle Denis, préparatrice physique à l’AC Bobigny

Gabrielle Denis est préparatrice physique à l’AC Bobigny et titulaire d’un Master STAPS SEPHN (Sport Expertise Performance de Haut Niveau). Elle a étudié ce sujet pour l’écriture de son mémoire “Prévention de la blessure et optimisation de la performance : Intervention sur le changement de comportement chez le sportif de haut niveau”.

Les conséquences du stress sur le sportif

Qu’est ce qui vous a amené à penser que la psychologie pouvait être liée avec les blessures du sportif ?

Je viens d’un sport de combat (le judo), et j’ai toujours trouvé que l’aspect mental était sous estimé dans les préparations. Je suis devenue préparatrice physique dans le rugby et j’ai continué à me renseigner sur le sujet. J’ai appris quel était l’impact du stress et des stresseurs en équipe sur le sportif et ses blessures.

C’est comme ça que je me suis rendue compte de l’importance de la prise en compte de l’aspect psychologique dans la préparation des joueurs et joueuses. Autant pour la prévention de la blessure ou la préparation physique. 

Un sportif stressé a t-il plus de chance de se blesser ?

Deux théories expliquent l’impact du stress sur les blessures : la rupture d’attention et la tension musculaire accrue. C’est-à-dire que plus un sportif est stressé moins il est attentif, et la tension dans son muscle augmente. C’est un aspect que je ne peux pas négliger en tant que préparatrice physique.

Portia Woodman, internationale Néo-Zélandaise après son opération du tendon d’Achille en Novembre 2018.

Avoir des routines pour se mettre en confiance

Les routines d’échauffement / de récupération ont-elles un impact sur la psychologie du sportif ?

C’est une étude qu’on a faite pour mon mémoire durant laquelle on a travaillé sur des changements de comportement dans un but de prévention de la blessure. Les routines de récupération et d’échauffement sont des stratégies à mettre en place dans un but d’optimisation de la performance. Elles peuvent permettre aux joueuses de se mettre en confiance et de mieux appréhender les matchs et entraînements. 

Crédit Photo : Gabrielle Denis (Préparatrice de l’AC Bobigny)

Comment est-il possible de limiter l’impact négatif de notre état psychologique sur nos blessures, nos performances ?

Ça dépend vraiment de la personne. Les routines varient selon de l’origine de son stress, la manière dont ça s’exprime et de ce qui fonctionne. Tout le monde a une manière différente de le gérer : des petits rituels, une musique, un peu de visualisation mentale, c’est propre à chacun.

Ça peut vraiment être des trucs tout bêtes : mettre sa chaussure droite avant la gauche, la visualisation mentale…  Je faisais rouler une bille sur mon poignet gauche quand j’étais stressée en compétition. Et comme je m’étais persuadée que ce geste me détendait, ça marchait. C’est très particulier et personnel, on ne peut pas le quantifier. 

Crédit Photo : Gabrielle Denis (Préparatrice de l’AC Bobigny)

Accompagner le sportif blessé pour réduire les pensées négatives

Comment accompagnes-tu sur le plan psychologique les sportifs/joueuses dans des périodes de blessure ?

Je fais des “entretiens” informels avec la joueuse blessée, pour essayer de sonder ce qui va et ce qui ne va pas. Pendant ces discussions, j’essaye de savoir comment se situe la sportive par rapport à sa blessure : savoir si elle est encore choquée, s’il y a du refus, de l’anxiété, il peut aussi il y avoir des phases de dépression ou de colère.

Sans être préparatrice mentale, j’ai étudié la psychologie de la performance alors j’essaye de faire preuve de beaucoup d’empathie et d’intérêt pour la sportive blessée car c’est une période compliquée, la joueuse se retrouve alors sortie du groupe, ce qui provoque des pensées négatives que nous devons gérer.

blessures et rugby
Évacuation d’une blessée lors du match FCG amazones – LOU en fédérale 1
Crédit Photo : Karine Valentin

L’idée est vraiment de travailler sur un objectif final de reprise via de petits objectifs qui lui montrent qu’elle avance vers la fin, parvenir à l’orienter sur un discours interne plutôt positif en mettant en avant les aspects positifs de la situation : oui on va reprendre plus tard mais on va pouvoir en profiter pour travailler sur d’autres choses, une blessure ça veut pas dire pas de sport du tout !

Finale Elite 1 2019
Charlotte Rufas, Maëlle Filopon, Iän Jason lors de la Finale d’Elite 1 2019
Crédit Photo Babinet Photography

J’utilise des méthodes de visualisation mentale pour faire comprendre à la joueuse qu’elle est guérie et qu’elle progresse. Je fais beaucoup en sorte de l’inclure dans sa période de ré-athlétisation. Je pense que la joueuse doit être altruiste, j’accepte les périodes de moins bien, j’accepte de changer de temps en temps les contenus de mes séances en fonction de l’état mental et physique de l’athlète.