Temps de lecture : 7 min

Une entité de représentation des joueuses de l’Elite 1 ainsi que de l’Elite 2 vient de se créer sous l’égide du syndicat Provale . Cette création marque une avancée majeure pour le rugby féminin. Fondée dans un objectif de collaborer au plus près des instances décisionnaires, nous avons demandé à Mathieu GIUDICELLI (responsable du projet chez Provale) de nous expliquer la teneur de cette commission et les enjeux de sa constitution.  

En quelques mots, à quoi sert cette commission et comment est-elle composée ?

Elle a été constituée afin d’organiser la représentation des joueuses dans les instances, de structurer et de porter au mieux leurs intérêts. Pour cela, les joueuses de chaque club de l’Elite 1 se sont réunies afin de se mobiliser et se sont accordées sur la constitution d’un comité Elite 1 féminine au sein même de Provale.

Ce comité est composé des représentantes de l’intégralité des joueuses du championnat Elite 1. Deux joueuses élues titulaires représentent ce comité sur 2 ans, assistées par un salarié Provale lors des commissions. Il y a aussi 9 suppléantes qui peuvent être amenées à remplacer une titulaire indisponible.  Cette mobilisation des joueuses de l’Elite 1 a entraîné la création d’un comité Elite 2 sur les mêmes bases de fonctionnement.

Quel est l’historique des initiatives qui ont abouti à cette commission ? Quels sont les chantiers prioritaires ?

C’est à l’initiative des joueuses que s’est créée cette commission. En effet, elles souhaitaient être officiellement parties prenantes des décisions quant à l’avenir de leur championnat et de leurs conditions de pratique. Jusqu’à aujourd’hui les instances prenaient leurs avis, mais leur voix n’était pas organisée comme c’est le cas actuellement. Elles ont donc pris les devants pour créer un comité sous la houlette de Provale. Les chantiers immédiats sont le calendrier de reprise du championnat pour la suite de la saison ainsi que des réflexions sur le format de la compétition.

Comment cette unité représentative des joueuses compte-elle exercer son influence auprès des instances (clubs, ligues, fédération..) ?

L’idée est que chaque partie travaille collégialement pour faire avancer la situation. Les joueuses sont parties prenantes et proposent des solutions à la FFR, aux Présidents, entraîneurs, etc… Nous sommes dans une démarche d’échange. L’objectif est que chacun partage son avis et son ressenti sur la situation, expose les potentielles problématiques. L’optique est d’avoir un dialogue complémentaire et constructif qui permette un dénouement favorable.

Visiblement, la création d’une entité dédiée à l’Elite 1 est en projet depuis plusieurs années (intégration de joueuses de l’Élite au comité directeur Provale dès 2014). L’arrêt du championnat lié au COVID a t-il précipité la création de cette commission ?

Le rugby féminin est dans l’ADN de Provale, avec très tôt un comité directeur constitué de 4 joueuses très impliquées (Gaëlle Mignot, Safi N’diaye, Lenaïg Corson, Fanny Horta). En pratique, chaque année nos équipes font la tournée des clubs pour aller présenter Provale mais aussi pour collecter les problématiques des joueuses. Nous les faisons remonter aux instances dans un souci d’amélioration constante de leurs conditions d’exercice. Concernant le statut des internationales (7s et XV) et leurs conditions contractuelles, nous sommes aussi leur représentant auprès de la FFR et les accompagnons dans leurs négociations. Enfin, nous effectuons le suivi socio-professionnel des équipes de France ainsi qu’un suivi et un service individualisé pour les joueuses qui font appel à nos services.

“La création du comité Elite 1 Provale est en quelque sorte une formalisation quant à une mobilisation commune des joueuses.”

Vous avez réalisé une enquête en 2018 à propos des conditions de pratique des joueuses de l’Elite 1, quel(s) constat(s) aujourd’hui ?

Le rugby féminin est en plein développement et nous avons la chance d’avoir une fédération qui est sensible à ce sujet. Un bon bout de chemin a été parcouru ces dernières années mais nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Je veux dire par là que la professionnalisation des équipes de France est une belle avancée, les championnats se structurent un peu plus chaque année et nous proposent de belles oppositions. Enfin, le rugby féminin attire de plus en plus de licenciées, ce qui prouve que la discipline est attractive.

Justement, pensez-vous que la prise de parole des joueuses lors de cette crise est un élan précurseur pour la suite ? Comment entretenir la synergie une fois la crise passée ?

La prise de parole des joueuses est un élément fondamental dans les avancées de la pratique féminine. Elles ont pris les devants car ce sont elles qui sont au cœur du système et le fait qu’elles portent leur voix prouve qu’elles s’impliquent pour le développement de leur discipline. Une fois la crise passée, je sais que nous pourrons compter sur leur implication et leur conviction pour continuer à être parties prenantes dans le dialogue. L’objectif est de proposer des solutions constructives pour le rugby féminin.

“Une fois la crise passée, je sais que nous pourrons compter sur leur implication et leur conviction pour continuer à être parties prenantes dans le dialogue.”

Quels sont les projets sur le plus long terme de cette commission ?

Le comité Elite féminine Provale a vocation de traiter tous les sujets qui impactent de près ou de loin les joueuses. À court, moyen et long terme. Nous sommes proche d’une coupe du monde 2021 qui mettra la pratique en lumière. Une fois la crise passée et les diverses problématiques de court ou moyen terme traitées, il faudra se projeter très rapidement sur de nouveaux enjeux et sujets afférents au rugby féminin en France.

Et de Provale avec le rugby féminin ?

Provale est aux côtés des joueuses depuis de nombreuses années. Ce travail perdurera et tendra à se développer de manière significative avec l’implication des joueuses. Nous avons conscience que la discipline va se structurer au fil des années pour atteindre un jour le professionnalisme. Provale mettra toute son expertise au service des joueuses et restera à leurs côtés pour les accompagner dans ce processus en étant leur représentant et le garant de l’ensemble des joueuses évoluant en France.

“Nous avons conscience que la discipline va se structurer au fil des années pour atteindre un jour le professionnalisme.“

L’année 2020 restera historique à bien des égards, mais peut-être de façon plus positive que les autres disciplines pour le rugby féminin. Dans une période de transition, cette voix unie marque une volonté d’implication des joueuses dans la prise de décision. Cette commission travaille d’ores et déjà à une concertation pour déterminer la date de reprise du championnat.  Un grand merci à Provale pour cette interview. 

En attendant de retrouver les terrains, découvrez les retours des joueuses sur le crunch ou des nouvelles de la Coupe du Monde. Crédit photo : K. VALENTIN