Fabrice Ribeyrolles, entraîneur de l’ASM Romagnat Rugby Féminin revient sur la situation du club à la suite de la crise sanitaire. L’occasion de faire le point sur : la reprise des entraînements, l’état d’esprit des joueuses, la reprise du championnat début septembre jugée “castastrophique” et les conséquences du Covid-19 sur les clubs.
Depuis combien de temps avez-vous repris les entraînements ?
On a entamé la 4ième semaine d’entraînement. On a repris de manière progressive, en respectant les orientations du ministère des sports et de la fédération. On a respecté les différentes étapes du protocole. Ce soir (mercredi 24 juin), on fait notre premier entraînement en effectif total avec une reprise à toucher.
Comment adaptez-vous les entraînements à la situation ?
Prévenir les blessures
En Allemagne le football a repris très tôt et très vite et il y eu pas mal de blessures derrière. Pour éviter ce risque on a repris en douceur. On imagine que nos filles sortent de 3 mois de blessure et qu’il faut tout reprendre à 0.

Un retour vers le contact progressif
Ça fait plus de trois mois que les filles n’ont pas joué. On est donc passé par une phase de réathlétisation, puis de remise à niveau physique et technique. On a fait beaucoup de foncier au départ. Ensuite, on a commencé à faire des passes, du physique avec ballon, puis des situations de jeux. Progressivement on va arriver sur des ateliers purement de technique individuelle à base de plaquages et de contacts.
Dans quel état d’esprit l’équipe se trouve-t-elle ?
Impatience
L’objectif était qu’on se revoit très vite. Les filles avaient hâte de revenir sur le terrain, de se revoir, de s’entraîner en groupe. Ce n’était pas très drôle de faire des cessions de physique toute seule.
On a maintenu le lien téléphonique avec elle pendant le confinement pour avoir un état de leur santé, suivre l’avancer de leurs études et projets professionnels. Le fait de les voir, permet de mieux discuter de l’avenir. On joue au rugby car on aime être avec les gens. Le téléphone, les visios ça va 5 minutes, on préfère les vrais contacts humains.

Prudence
Il y a eu des prises de poids. Durant deux mois, certaines filles ne sont pas sorties. Même s’il y avait des petits ateliers en intérieur, ça ne vaut pas la course. Pour cette raison c’était vraiment important de faire une reprise progressive. La prépa physique a fait un super travail à ce niveau-là.
Plaisir
Je veux mettre en avant le plaisir de retrouver les filles, et le plaisir qu’elles ont de se retrouver sur le terrain. Ce qui m’a toujours plus dans le rugby féminin, c’est cette capacité à travailler, se donner à fond sans râler. C’est un réel plaisir de les retrouver sur le pré, les voir se donner à 100%. Je suis toujours admiratif de voir l’engagement des jeunes filles dans le rugby. Cette volonté de mener de front un double voire triple projet c’est un plaisir.

Êtes-vous optimiste pour une reprise des matchs courant septembre ?
Optimiste
Je suis de nature très optimiste, on va dire que le plus dur est derrière nous. Pour l’instant le plan A c’est une reprise en septembre. J’espère qu’il n’y aura pas de plan B à mettre en place.
Deuxième vague
Malheureusement on n’est pas à l’abri d’une seconde vague dont certains spécialistes commencent à évoquer. Une deuxième vague serait catastrophique pour tout le monde sur le plan sportif, économique, social. On va espérer que les gens seront rigoureux et respectueux dans les gestes barrières.

Avez-vous déjà organisé la reprise du championnat ?
Une reprise prématurée catastrophique
Des matchs amicaux sont prévus. La reprise du championnat est prématurée, le 6 septembre c’est catastrophique.
On a beaucoup de jeunes filles étudiantes qui ne vivent pas sur Clermont Ferrand. Elles rentrent chez elles l’été, travaillent pour gagner de l’argent. Quand on est sportive de haut niveau dans l’élite et étudiante, on n’a pas le temps de travailler à côté. Le seul moyen de gagner de l’argent c’est de travailler l’été pour remplir son frigo pour le reste de l’année.
Un plan de reprise échelonné
Pour les filles présentent à Clermont Ferrand on va travailler jusqu’en juillet. Puis on va leur laisser 3 semaines de vacances et on reprendra les entraînements le 3 août.
Malheureusement on n’aura pas toutes les filles. On va récupérer les filles mi-août, fin août de manière échelonnée. La reprise du 6 septembre est trop prématurée. Je comprends les problématiques de dates pour l’équipe de France mais je pense aussi à la santé de certaines joueuses. On craint d’avoir des joueuses qui ne soient pas prêtes physiquement, on risque de les mettre en danger sur les entraînements ou les matchs.

Êtes-vous inquiet des conséquences de cette crise sanitaire sur le rugby féminin ? Et sur votre club ?
L’aspect économique
Je suis inquiet pour tous les sports que ce soit rugby féminin ou autre. Les clubs vont avoir des difficultés notamment en terme de partenaires privés ou publics. Je ne pense pas que la priorité des collectivités et des entreprises ce soit le financement des clubs sportifs. Je vois mal les mairies, les conseils départementaux, régionaux augmenter ou maintenir leurs financements actuels avec tous ce qu’ils ont dû verser. Les entreprises qui ont subi de lourdes pertes, doivent se relancer, retrouver une trésorerie pour aider les clubs sportifs, faire des dons, du sponsoring, des mécénats. Il y aura des répercussions sur les clubs.
Au niveau de l’ASM, on verra les conséquences l’année prochaine quand il y aura les demandes de subventions, de nouveaux partenaires. Le maintien des partenaires risque d’être problématique.
L’aspect professionnel
C’est compliqué de trouver des emplois, des stages. La priorité des entreprises c’est de relancer leurs productions, leurs activités, avant de penser à prendre des alternants. Du point de vue du club, on a encore des filles à placer pour assurer leur alternance. C’est un gros préjudice.
Pour aller plus loin, découvrez notre grand format “Les répercussions du covid-19 sur le rugby féminin”.