Rugby au féminin

La joueuse d’origine bordelaise jongle depuis toujours entre le sport et les études. Après deux masters en poche, elle décroche un poste de cadre supérieure dans la finance. Ariane constate très vite la fracture d’aménagements existants entre sa situation d’étudiante et l’entrée dans le monde professionnel.

“Je pense être la première à avoir osé cette négociation”

Avec un rythme de 12 heures d’entraînement/semaine à l’AC Bobigny en parallèle de son poste d’analyste ESG (analyste des aspects Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance d’investissements financiers), elle enchaîne les blessures et paye les frais d’un quotidien surchargé. Elle joue carte sur table et propose une solution quitte ou double à son employeur : quitter l’entreprise ou trouver une conciliation. Aidée par son club, elle monte alors la première convention d’aménagement professionnel autour de sa condition de joueuse de rugby d’Élite :

“ Avec un dirigeant du club qui était aussi RH à la mairie de Bobigny, nous nous sommes renseignés sur les dispositifs existants. Je savais que certaines entreprises proposaient des programmes spécifiques pour les sportifs de haut niveau. Nous nous sommes alors adressés à la Fédération pour savoir si j’y étais potentiellement éligible mais n’avons pas eu de retour.”  (nb : les joueuses d’Élite hors Académie et hors joueuses internationales ne bénéficient pas du statut de sportives de haut niveau).

“Dans tous les cas, mon entreprise et mon club étaient prêts à m’aider, alors nous avons monté une convention annexe à mon contrat de travail entre le club, l’entreprise et moi en qualité de salariée. Avec le club de Bobigny nous avons dû nous renseigner en autonomie sur les aspects légaux, aucun accompagnement juridique n’existe pour les clubs.” 

Cette convention repose sur le principe du mécénat de compétence : les heures de travail de la joueuse libérées par l’entreprise sont considérées comme un don fait au club. Un système gagnant-gagnant pour les trois partis; où l’entreprise défiscalise les heures “données” et où Ariane peut envisager un quotidien plus serein et adapté à la performance. De retour au Stade Bordelais cette saison, elle bénéficie d’une journée et de deux après-midi dédiées aux entraînements, la préparation physique et à la récupération. 

Vers une reconnaissance plus large du statut pluri actif ?

“J’ai monté cette convention à 28 ans et je comprends que pour la plupart des joueuses ce ne soit pas évident de se sentir légitimes de négocier ce type de contrat. En Élite 1 on est soit étudiantes soit de jeunes actives en train de s’insérer dans le monde du travail, ce n’est pas simple. Je pense être la seule à avoir osé taper du poing, et j’ai eu la chance aussi d’être accompagnée par mon ancien club l’AC Bobigny”. 

Courant dans les sports individuels de haut niveau, le procédé du mécénat de compétence est une piste potentielle pour l’évolution du statut de la joueuse d’Élite. Il faut souligner que les joueuses non-internationales du plus haut niveau français n’ont aucun statut légal reconnu : les contrats clubs sont inexistants et celles-ci ne sont pas inscrites sur les listes ministérielles comme sportives de haut niveau. La quasi-totalité des joueuses d’Élite est donc considérée comme étant complètement amateur, le seul lien administratif avec leur club étant leur licence sportive. L’exception d’Ariane ouvrira t-elle la voie à une potentielle reconnaissance du statut pluri-actif des joueuses de l’Elite ?